Jodorowsky's Dune

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Moi, j'aime beaucoup le Dune de David Lynch. Alors oui, il souffre de bien des défauts et il surprend par ses effets qui n'ont pas su attraper le tournant du XXIe siècle, mais en dehors de ces faiblesses visuelles et des quelques écarts par rapport au livre dont on se fout éperdument, ce Dune-là a capté à merveille l'atmosphère du roman, un univers sombre et froid où aucun ne mérite une once de compassion.
D'ailleurs, le youtubeur Le Fossoyeur de Films en a fait une belle vidéo qui me paraît être très juste selon mon avis totalement subjectif et partial.

Pourquoi aborder le Dune de David Lynch alors qu'on parle du projet avorté de l'adaptation de Dune par Alejandro Jodorowsky ?
Parce qu'ils en parlent un peu, parce que celui-là a vu le jour et parce que dès les premiers mots d'Alejandro Jodorowsky, on se rend vite compte que son intention est de réaliser une adaptation beaucoup plus libre. « Je voulais faire un film où l'on pourrait être à la place d'un dieu !... Et qui fasse ressentir les effets du LSD. » dit-il en substance et de manière un peu déformée pour les besoins de l'article.

Peut-être faut-il des petites précisions sur ce projet datant de 1975 qui a tant fait frétiller.
À la base, Dune est un roman de science-fiction écrit par Frank Herbert sorti en 1965, considéré comme un des grands classiques de la science-fiction, à raison. Il a suscité l'intérêt d'Alejandro Jodorowsky qui avoue n'avoir pas lu le roman lorsqu'il a évoqué le projet.
Alejandro Jodorowsky est un artiste multiple, habitué à travailler dans le domaine du spectacle vivant (théâtre, poésie, mime, etc.), il s'est d'abord fait connaître par ses premiers pas dans le monde merveilleux du cinéma et actuellement, il est plus reconnu pour son immense travail en tant que scénariste de bande dessinée.
C'est donc la combinaison entre ce roman célèbre et la griffe Jodorowsky qui a titillé la curiosité de bon nombre de gens. Ça et les idées folles qu'il a souhaitées, voilà pour el topo.

Et le documentaire s'intéresse surtout à l'énorme travail effectué pour aboutir à quelque chose de solide. C'est le meneur, le gourou Jodorowsky qui nous hypnotise tout d'abord par son enthousiasme, sa passion dévorante pour ce projet qu'il souhaite gigantesque, mirifique et inoubliable. Le metteur en scène est ravi de nous délivrer son projet et, très rapidement, nous sort un objet étonnant : une copie géante recensant toutes les recherches autour du film, un bel ouvrage qui plus est, grand format, dos toilé, un rêve de collectionneur !

C'est à partir de là, de cette première introduction et rencontre avec le réalisateur que l'on va voir intervenir, les uns après les autres, les collaborateurs recherchés.
Le premier, et qui sera récurrent dans le métrage, c'est Michel Seydoux, producteur  qui a soutenu le projet avec Jodorowsky.
S'ensuit la présentation des autres accolytes, et pas des moindres ! Premier contact avec Moebius, Dan O'Bannon, Chris Foss, H.R. Giger pour citer les acteurs du noyau dur, les entrevues sont entrecoupées du travail de chacun avec un savant travail d'animation des illustrations et des pages de storyboard nous offrant un aperçu unique de ce que l'on aurait pu voir et il faut bien l'avouer, c'est assez excitant.

Le documentaire en lui-même respecte son cadre, classique dans la forme, il ne prétend pas être original au-delà de cette inventivité de mise en images animées. C'est avec la verve et l'énergie de Jodorowsky que l'ensemble se tient et un savant découpage annonçant avec fracas l'arrivée d'un nouveau venu sur le plateau de ce film imaginé.

C'est que ce coquin de Franco-chilien avait véritablement bossé son sujet et exigeait un casting bien précis !
Pour le rôle phare de Paul Atréides, Brontis Jodorowsky, son propre fils ; David Carradine en guise de Duc Léto Atréides, pour l'apparition de l'empereur, Salvador Dali, le vil baron Harkonnen serait Orson Welles ou encore Mick Jagger en guise de Feyd Rautha (nous avons eu droit à Sting dans un ambiance proche d'un Sean Connery made in Zardoz mais en 100 fois plus sexy).
Loin de soigner uniquement son casting d'acteurs, c'est aussi pour toute l'équipe technique qu' il souhaite les meilleurs avec le choix très particulier et alléchant de charger un groupe de musique pour chacune des deux familles ennemies : Les Atréides seront représentés par Pink Floyd tandis que les Harkonnen auront droit à Magma.

C'est cette succession de révélations, et d'une multitude d'anecdotes accompagnant le cours du visionnage, qui ajoute à la puissance du projet lorsque le couperet tombe : personne ne veut financer quelque chose d'aussi fou et surtout, Alejandro Jodorowsky n'a pas la confiance des maisons de production. Le ton du réalisateur change, se fait triste et aigre, un travail de titan anéanti par un problème de financement.

Heureusement, ce film n'a pas vu le jour.
Ce projet avorté a eu de belles conséquences dans le milieu de la science-fiction.
C'est à partir de cet instant que Dan O'Bannon rencontre H.R. Giger et pondra le classique de SF Aliens et que Jodorowsky travaillera avec Moebius sur des séries telles que La Caste des Méta-barons et L'Incal, devenues des références incontournables dans le milieu de la bande dessinée, porteuses d'un univers qui ne connaît que très peu d'équivalents.

Heureusement (ou malheureusement), ce film n'a pas existé parce qu'il aurait en effet, pu être inoubliable mais aussi, et très certainement, incroyablement kitsch. Faire coïncider le cinéma expérimental de Jodorowsky, une galerie de costumes très bariolés et biscornus, du kraut-rock tout aussi exigeant que désuet, cela ouvre les voies à tous les possibles et les effets du LSD ne sont effectivement pas loin.

Reste que ce Jodorowsky's Dune est un fabuleux documentaire sur le cinéma, sur la création et sur tout le travail qui entoure les premiers pas d'une pellicule, c'est aussi une merveilleuse évocation de rencontres et d'effervescences libérant la créativité artistique.

Yoann

 
Fiche Technique :
Réalisation : Frank Pavich
Sortie : Officiellement en 2013 aux Etats-Unis mais profite d'une tournée en France depuis mars 2016.
Qui joue (et aurait pu jouer) : Alejandro Jodorowsky (lui-même), Michel Seydoux (lui-même), H.R. Giger (lui-même), la voix et la femme de Dan O'Bannon (elles-mêmes), Chris Foss (lui-même), Brontis Jodorowsky (lui-même), Michael Winding Refn (lui-même), Richard Stanley (lui-même), etc.
Durée : 1h30 et on s'emmerde pas.
Genre : Attention, ce documentaire n'est pas un documentaire sur la Dune du Pyla.

Informations complémentaires sur le site officiel

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