SuperFlux l'avait annoncé, le voilà presque* terminé, le Festival International du Film GROlandais de Toulouse vient de nous en mettre plein les mirettes pour sa 5e !
Comme le programme était riche et chargé, nous y sommes allés à la bonne franquette piochant ce qui titillait notre curiosité, nous amenant à voir ovnis et classiques, titres en compèt' comme hors d'oeuvres, livrés à nous-mêmes devant un buffet à volonté en quelque sorte.
Ainsi, c'est un aperçu, un tour d'horizon des films et festivités auxquelles on a pu assister.
TENEMOS LA CARNE / WE ARE THE FLESH d'Emiliano Rocha Minter
Premier essai avec "We are the Flesh" ou "Tenemos la Carne" dans sa langue originale, un film où j'allais avec beaucoup d'appréhension.
Interdit au moins de 16 ans, le texte annoncait une expérience pour un public averti et une dernière mise en garde était même énoncée juste avant la projection, ce qui était sûr c'est que ce n'était pas un film sur le cyclisme. Bref, ma petite nature choisit un coin un peu contre le mur et un peu au fond au cas où, mais les esgourdes sont grandes ouvertes et les yeux prêts à encaisser.
ET bam, il est à l'écran, l'homme s'active à de curieuses tâches dans un immeuble abandonné, entre préparations alimentaires et expression musicale pénétrée, son quotidien va changer à l'arrivée d'un frère et une soeur, deux adolescents en quête de repos et de nourriture. C'est le début d'une vie en communauté pour le moins surprenante et dérangeante.
On se rend très vite compte que la minceur du récit n'est qu'un prétexte du réalisateur pour exploiter au mieux une idée : celle de la chair comme l'indique le titre.
Le titre espagnol est de ce fait plus parlant, "Tenemos la Carne", le verbe espagnol ayant un sens assez varié et "la carne" prend effectivement chair au sens propre comme au sens figuré, Emiliano Rocha Minter jouant sur tout le champ lexical du terme. L'homme se désincarne, se réincarne, s'extasie dans la mort et s'émerveille dans la renaissance. C'est un festival où tout ce qui touche à la chair est exprimé avec comme élément primordial, le sexe, qui prend énormément de place dans le métrage.
Et primordial, il l'est dans le sens où le film en revient à une nature bestiale sans aucune limite morale, le tabou de l'inceste est sauvagement représenté dans une scène grotesque (dans le sens noble du terme), le meurtre est magnifié dans une autre séquence qui pourra choquer ceux qui n'ont pas grandi à la ferme, s'enchaînent ensuite de nombreuses scènes où l'on voit se libérer les deux jeunes gens au contact de cet étonnant personnage.
Cet homme justement (Noé Hernandez), sorte de gourou clochard, poète et psychotique, porte à lui seul tout le film grâce à son interprétation magistrale, nous entraînant dans sa folie avec son sourire de clown (oui, il est à la fois drôle et effrayant).
Accompagné d'une mise en scène audacieuse et d'un travail impeccable sur l'ambiance musicale, les défauts du film s'effacent pour simplement laisser une marque au fer rouge dans nos chairs.
LA CIGALE, LE CORBEAU ET LES POULETS d'Olivier Azam
Jeudi, l'ambiance change radicalement avec un documentaire aux accents de fables de La Fontaine s'inscrivant dans la thématique "Vive La Sociale" du festival.
Avec son titre animalier et guilleret et un résumé qui pourrait faire penser à une blague ou un thriller du terroir, la surprise est de taille quand on se rend compte que toute cette histoire abracadabrantesque a bien eu lieu, il n'y a pas si longtemps, dans un petit village de l'Hérault.
Prenant pour point de départ une affaire juridique où une dizaine d'habitants soupçonnés de terrorisme se retrouvent en garde à vue, le film dresse un portrait réjouissant de ces activistes d'extrême-gauche mais pas que, aux parcours variés et aux convictions solides.
À travers cette "incroyable mascarade" comme le dit si bien le résumé, c'est un récit de combats quotidiens de quelques irréductibles souhaitant simplement améliorer la vie dans leur village et leur région, réclamant un peu de respect des droits et devoirs, s'élevant contre le pouvoir en place et les grosses industries.
Le métrage gagne une immense sympathie grâce évidemment à ces habitants, ces aimables "terroristes" locaux, personnages hauts en couleurs au franc parler qui n'en oublient pas de vivre, se battant contre d'immenses murailles le jour et fêtant chaque petite victoire en apéro et en chanson, leur sens de l'humour et leur conviction implacable prenant corps lorsqu'ils transforment leurs arrestations en une fameuse fête des poulets, une célébration face à l'injustice dont ils ont été victimes.
Le film est d'autant plus parlant que ces combats du citoyen face à l'injustice font écho à d'autres situations, dans d'autres communes à travers la France où le profit passe avant l'humain.
Pour terminer en beauté cet agréable et motivant documentaire où l'humour est de plus grande importance que l'apitoiement, le réalisateur et certains protagonistes étaient de la partie pour présenter l'aventure et répondre aux questions, on apprend que le patron du bar-tabac La Cigale est donc toujours fiché S et qu'après tout ça, de nouveaux combats sont encore en cours.
À souligner aussi que Les Mutins de Pangée, producteur, éditeur et diffuseur du film avaient apportés une sélection de leurs créations et que la maison fonctionne avec la volonté et les moyens de chacun, le bouche à oreille et les dons.
APNÉE de Jean-Christophe Meurisse
Vendredi, une petite plongée dans l'univers foutraque d'Apnée, ça démarre au quart de tour pour un enchaînement de séquences drôlatiques où le trio d'amoureux se questionne et tente de s'adapter à une existence normale. Film assez curieux qui commence n'importe où et qui ne va nulle part si ce n'est vers la découverte de l'île de Beauté et vers un jeu sur les situations emblématiques des grandes étapes de la vie en les rendant cocasses. En ce sens, certaines sont plus dignes de la scène et plus adaptées aux planches d'un théâtre mais ça n'en reste pas moins follement divertissant !
Noyé sous les obligations de la société et une tentative peut-être sincère de vouloir s'en accommoder, le trio foldingo finit par trouver chaussure à leur pied en assumant tout simplement leur véritable nature.
Apnée a des allures de films à sketches ou de films de poteaux, on s'y amuse plus qu'on y trouve un sens, c'est une petite friandise d'absurde tout à fait agréable pour s'évader du quotidien, très justement.
WILLY 1er de Zoran Boukherma, Marielle Gautier, Ludovic Boukherma & Hugo P. Thomas
Maintenant, c'est officiel, Willy 1er a remporté l'Amphore d'Or et l'Amphore du peuple. Plutôt ravi, il faisait partie de mes préférés et il a indéniablement des accents grolandais.
Grolandais dans l'idée, grolandais dans l'image mais pas totalement grolandais dans l'humour, Willy 1er est avant tout une histoire triste. Librement inspiré de la vie de l'acteur principal, Daniel Vannet, le film joue sur une simplicité sans fioritures aux accents kitsch sans toutefois s'enliser dans la facilité grasse d'un docu-fiction à sensation produit par une chaîne quelconque.
Du début à la fin, le quator de réalisateurs a fait un choix et s'y tient, réaliser une fiction sociale où une atmosphère réaliste se mélange à une ambiance décalée.
On peut être dépaysé par ce nord de la France, vaguement déserté où aucun horizon ne semble s'offrir (dans une région pourtant réputée assez plate).
Ou pas. On peut aussi avoir cette image déformée, livrée par les journaux et délivrée également par le film qui en profite et en joue au maximum, nous amenant à aimer les bons comme les mauvais côtés.
À cela s'ajoutent une musique électronique minimaliste réalisée à l'orgue Bontempi et des interludes et anecdotes visuelles à grand renfort de wordart sur fond de paillettes et dauphins, ne riez pas, vous y avez touché aussi (et vous continuez encore peut-être), un décorum qui participe grandement à la singularité du film.
Willy 1er , c'est tout simplement ça, le parcours d'un homme sur les chemins de la vie, un homme pas comme les autres et aussi comme tant d'autres avec ce qu'il faut de vécu et ce qu'il faut de désir pour continuer à avancer. Une petite ode à la vie avec ses aspirations et ses inspirations, les rencontres bonnes et mauvaises, la découverte d'un monde nouveau et de ses faces cachées.
[Le week-end commence et se termine avec deux soirées où deux noms sont mis à l'honneur pour leur énorme et solide travail d'édition et fêter leurs anniversaires tant qu'à faire !]
Soirée Potemkine : LA SOUFRIERE, LE DÉCLENCHEUR DE VOLCANS & LES NAINS AUSSI ONT COMMENCÉ PETITS de Werner Herzog
Samedi, c'est Potemkine et ses 10 ans qui sont dans la place, le navire est à flot et en forme, nous concoctant une spéciale Werner Herzog avec bonus en prime.
Nils Bouaziz et Sébastien Zaccoletti étaient là pour introduire leur choix et nous stupéfier ensuite.
Le premier, c'est un étonnant documentaire du réalisateur et de deux de ses acolytes partis filmer l'éruption probable et prochaine du volcan la Soufrière en Guadeloupe en 1976, c'est à travers une ville fantôme qu'ils nous entraînent jusqu'à la rencontre de trois Guadeloupéens à la philosophie de vie sympathiquement fataliste, bien décidés à rester ici malgré la catastrophe imminente.
J'oserais dire que le ton est très allemand et que l'on se retrouve face à un choc des cultures entre un réalisateur venu filmer un soupçon de fin du monde qui n'arrivera jamais et des épicuriens qui savent pertinemment que la sieste est sacrée.
Le bonus, c'est un court-métrage hommage au documentaire d'Herzog par un de nos invités, Sébastien Zaccoletti, qui alimente un peu plus l'histoire médiatique de l'époque et s'amuse respectueusement de cette déception face à l'éruption avortée, une petite douceur amusante entre les deux malices du cinéaste allemand.
Les choses sérieuses ont ensuite démarré avec "Les nains aussi ont commencé petits" qui mérite un avertissement pour ceux qui seraient tenter de s'aventurer dans le bousin sur le simple prétexte que le titre est rigolo (ne faites pas comme moi, quoi).
Ce film est une expérience particulière et éprouvante, 1h36 de nains qui saccagent et perpétuent les espiègleries dans une hacienda perdue dans la pampa, 1h36 d'animaux en triste état, 1h36 de scènes qui reviennent en boucle, 1h36 de rires suraigus et d'un vacarme constant.
Au début, on rigole un peu, presque sincèrement, à la fin, on rigole beaucoup nerveusement. Sans réel but et comme énoncé par nos invités, Werner Herzog cherche à provoquer un malaise par cette ambiance non-stop de rires et de ravages gratuits et c'est réussi, c'est véritablement éprouvant. J'ai même pu assister à quelques départs anticipés de certains spectateurs qui ont eu le courage de supporter une bonne heure de ce fabuleux spectacle nihiliste.
Soirée Artus : MATALO! en présence de Lou Castel & LES RATS DE MANHATTAN avec une présentation de David Didelot, auteur d'un livre sur Bruno Mattei.
Et pour bien clôturer le week-end en ce dimanche soir, ce sont les éditions Artus qui ont champ libre avec une occasion spéciale de faire le lien avec un des Gro Guest, l'acteur Lou Castel.
Une rencontre bien intéressante où l'acteur évoque son rôle, le contexte de l'époque et la curiosité qu'était Matalo !
Pas besoin d'en dire plus sur le film en lui-même, SuperFlux en propose déjà une belle et riche chronique emplie d'un amour sincère et qui n'est pas innocent quant à mon désir de voir le dit film. Je n'ai certainement pas été déçu, ravi de ce déchainement de caméra folle, de bande originale rock psyché et de boucle de ceinture papillon, d'autant plus que le western n'est pas ma tasse de thé. Je vous renvoie donc à la lecture de l'article et vous conseille d'aller faire un tour chez Artus Films pour vous le procurer.
Pour continuer sur la lancée, après une petite pause revigorante (le niveau de caféine était bas), on repart s'installer sur les sièges pour "Les rats de Manhattan", à la fois présent dans la prog du Fifigrot mais aussi faisant office de Dernière Zéance du mois pour l'American Cosmograph, d'une pierre, deux coups, c'est parfait, c'est du premier choix.
En plus, nous avions un nouvel invité (c'est festival, ce festival), David Didelot. Son nom doit vous dire quelque chose car il en a été question tout récemment chez SuperFlux avec la sortie de son livre sur Bruno Mattei, édité par Artus et chroniqué ici.
C'est en rencontre Skype que David Didelot nous a offert une superbe introduction sur l'oeuvre de Bruno Mattei, décortiquant en quelques mots choisis, sa carrière et ponctuant sa présentation par de savoureuses anecdote sur le réalisateur et le tournage du film.
Et à son sujet, je serais bien tenté de ne l'évoquer qu'en surface pour que vous puissiez en profiter un jour ou l'autre (c'est aussi disponible chez Artus Films évidemment), long-métrage post-apocalyptique aux rongeurs agressifs (disons-le clairement : ce sont des salauds), ce petit bijou de folie, aux accents absurdes et au doublage français jubilatoire, est un met de choix sur le plateau des séries B.
[Ainsi se termine ce FIFIGROT, 5e du nom, on en relit encore le programme pour constater ce qu'on a pu rater et qu'on espère retrouver bientôt dans un autre environnement peut-être et on en reste encore sur le cul, interloqué face aux nombreuses curiosités, expériences et folies visuelles saisissantes. Le FIFIGROT prouve encore une fois que c'est le moment de la rencontre d'un cinéma hors-norme, foisonnant, décalé, dérangé, engagé. Des pellicules qui revivent ici et d'autres qui apparaîssent là pour une première fois.
*Oui presque car l'esprit du festival continue un peu à l'American Cosmograph notamment avec la sortie officielle de certains films en compétition et "The Sea is behind", un film approuvé par le Fifigrot !]
Merci encore à l'organisation du Fifigrot et à l'American Cosmograph pour avoir organisé toutes ces belles et passionnantes rencontres.
Merci au cinéma Véo Muret pour avoir participé en nous offrant un apéro entre deux films diffusés pour une soirée spécial FIFIGROT.
Yoann
http://www.american-cosmograph.fr/
http://www.cinemalecratere.com/
http://www.veocinemas.fr/veo-muret/
http://www.potemkine.fr
http://www.artusfilms.com/
http://www.lesmutins.org/