Ici, on aime bien le cinéma de genre, les séries B fantastiques et toc, les films différents, alors quand on tombe sur un comics qui rend hommage à tout ce beau monde, on est assez ravi. Surtout qu'Alan Moore est aux manettes et le scénariste anglais a toujours démontré qu'il était loin d'être un manche pour écrire des histoires et qu'il sait s'accompagner. Mais vous le savez sans doute déjà si vous avez lu le passionnant dossier made in SuperFlux ( http://superflux-webzine.fr/lire/alan-moore-de-northampton-a-northampton-1 et le reste du passionnant feuilleton) ou si tout simplement vous avez lu un de ses comics.
Un peu de précision avant tout : Alan Moore n'a écrit que la première des six histoires qui composent ce volume, pas de quoi affoler outrageusement les fans absolus du sorcier barbu... Sauf qu'il chapeaute quand même le projet ! S'il se lance avec une première histoire sur ce concept, il invite ses copains à faire de même pour des histoires du même tonneau pour un résultat très agréablement jouissif. Le concept plus en détail ? Un duo composé d'un scénariste et d'un dessinateur se lance dans la création d'une nouvelle en bande dessinée autour du cinéma horrifico-fantastico-science-fictionnel (allez, sans respirer), en se laissant le loisir de toucher à tout un peu comme ils le souhaitent, preuve en est les choix très diversifiés de chemins empruntés. Ce qui nous donne entre les mains une anthologie, avec les défauts que cela peut bien souvent comporter, notamment des récits inégaux. On aura forcément plus de tendresse et de passion pour l'un et une grosse déception ou bien un raté pour l'autre. Cinema Purgatorio n'échappe pas à cette hypothétique et très discutable règle.
À l'AFFICHE !
CINEMA PURGATORIO de Alan Moore & Kevin O'Neill
CODE PRU de Raulo Caceres & Garth Ennis
MODDED de Ignacio Calero & Kieron Gillen
A MORE PERFECT UNION de Michael Di Pascale & Max Brooks
THE VAST de Gabriel Andrade & Christos Gage
CINEMA PURGATORIO
Alan Moore & Kevin O'Neill, le duo de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, se retrouvent pour une interlude liminaire attribuant son nom à l'ouvrage. Un récit introductif, petit monument d'une trentaine de pages où les deux comparses font un panorama du cinéma avec mise en abîme, paradoxe temporel, introspection et humour glauque. Du cinéma muet, du péplum, du super-héros et du monstre géant, tout est mélangé, brassé, une recette de chaque genre pour une bonne purée pleine de clins d'oeil, d'intelligence et de questionnements sur le médium cinéma. On se demande comment tout cela tient dans un volume de pages aussi restreint. Plutôt mystérieux au premier abord, le titre prend tout son sens à mesure que l'on parcourt les pages de ce premier récit. Bref, un petit chef d'oeuvre et, soyons honnête, le meilleur passage de l'album.
CODE PRU
Forcément, c'est compliqué de passer ensuite et pourtant Garth Ennis et Raulo Caceres s'en sortent avec brio ! Ils ne cherchent pas à égaler la vaste richesse du précédent et se contente de faire une très bonne histoire horrifique et sociale remplie de bonnes idées fabuleusement maîtrisée.
Code Pru est totalement cinématographique, à tel point que j'aimerais bien voir cette épisode mise en boite.
Pour en dire beaucoup mais point trop, disons que les monstres légendaires du cinéma se sont retrouvé dans "à tombeau ouvert" de Martin Scorcese. C'est fin, c'est rythmé, c'est drôle ...et même émouvant !
MODDED
Une idée folle, un choix risqué, commençons par ce que l'on pourrait considérer comme le point faible de l'extrait de Kieron Gillen & Ignacio Calero : c'est un extrait justement, un instantané d'un univers plus vaste, ce qui pourra frustrer bon nombre de lecteurs, pas de véritable début, pas de réel conclusion, on s'arrête un instant dans cet univers.
Mais quel univers ! Pokémon rencontre Mad Max, du post-apocalyptique crétin et contrôlé. On sent bien que les auteurs se sont surtout fait plaisir, on commence dans la poussière et le malheur pour terminer par se demander ce qu'on peut bien venir de lire ? Le soucis du détail graphique rend l'ensemble tout bonnement plaisant.
A MORE PERFECT UNION
On entre sur le terrain de l'uchronie avec Max Brooks et Michael DiPascale, l'auteur de "Guide de Survie en Territoire Zombie" nous plonge dans un moment de la guerre de Sécession. Malheureusement le dessin est un peu figé et la construction un peu bancale et ennuyeuse, reste qu'on en apprend sur l'histoire américaine et que la particularité saugrenue laisse quand même une marque et reste stupéfiante. Un beau petit hommage à un film en particulier.
THE VAST
Les inconvénients de The Vast sont à rapprocher de ceux de Modded, on est dans le même principe d'un moment choisi d'une vaste aventure, les auteurs Christos Gage & Gabriel Andrade suivent le même schéma avec un dessin aux détails foisonnants plutôt sympathique et une histoire malheureusement déjà vu et corrigé, le récit reste efficace et agréable mais voilà le duo a fait un comics qui ressemble déjà à ce qu'ils ont fait précédemment. Des méchanismes faciles, pas de véritable originalité mais on ne peut cependant pas leur reprocher de bien faire leur boulot, ça tient la route.
Si on faisait dans la facilité, on pourrait penser que la qualité du recueil va en s'amoindrissant, ce n'est pas véritablement le cas, certains amateurs d'une bande dessinée plus classique pourront très bien préférer "A more perfect union", d'autres ne pas trop aimer l'aspect fourre-tout de celui d'Alan Moore qui sait ?
Toujours est-il que le plaisir est là à chacune des histoires et que le principe même de cet album est bon à prendre et matière à se régaler.
Cinema Purgatorio, c'est vraiment ça, une séance de cinéma, des court-métrages couchés sur papier avec des moyens, un montage plus que correct, des idées novatrices et de quoi passer un bon moment sans se dire qu'on regrette d'avoir payer sa place !
Et peut-être que si le public est au rendez-vous, ils feront une suite ? Prochainement dans vos librairies !
Titre : Cinema Purgatorio
Auteurs : c'est marqué plus haut
Edition : Panini Comics
Genre : Du cinéma de genre en bande dessinée, de la série B(D) en quelque sorte.
Yoann