Aosoth – V : The Inside Scriptures

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Le voilà, le point final, l’ultime offrande, le chant du cygne, difforme et iconoclaste, d’un groupe sans réel équivalent dans l’hexagone. Clôturant le triptyque entamé avec III : Violences and Variations, si l'on en croit son géniteur, ce nouvel opus d’Aosoth partage aussi le titre d'ultime album, le groupe, dans la forme qu’on lui connaissait jusqu’à présent, ayant été dissout par MkM plus tôt dans l’année. Trivialités mises de côté, et pour les personnes ayant vécu sans connexion internet ces dix dernières années, Aosoth n’était autre que le petit frère difforme du terrible Antaeus, avec lequel il partagea congénitalement une bonne partie de ses membres durant ses premières années de vie. Bien plus qu’une simple question de personnes, les deux premiers opus du groupe n’étaient en réalité rien de plus que de vague copie d’Antaeus, rien de transcendant, rien de foncièrement mauvais, violent, sale, mais bien pale face aux albums mastodontes de son ainé. C’est au milieu des années 2000 que le géniteur de ce monstre en devenir se décida à insuffler une âme nauséabonde à sa créature, pour perpétrer III : Violences and Variations, qui reste, à mon sens, l’œuvre la plus authentique et la plus totalement destructrice qu’ait produite Aosoth. C’est donc par un chef-d’œuvre de violence et de folie qu’MkM entama un triptyque d’album qui, en passant par le plus atmosphérique et étouffant IV : Arrow In The Heart, ainsi qu’une série d’EP, nous amena aujourd’hui à ce dernier acte qu’est V : The Inside Scriptures.

C’est bien loin des turpitudes des modes musicales qu’Aosoth a su se forger un style qui lui appartient, un son qui lui est propre et un angle d’attaque bien particulier, qui lui ont permis de mettre en exergue la folie qui habite son créateur. Car, si Antaeus est bien l’enfant maudit du guitariste Set, Aosoth n’est autre que le cauchemar éveillé du hurleur MkM, et quel cauchemar. Sur son précédent long format, la noyade fut totale tant l’atmosphère y était claustrophobique et l’ambiance nauséabonde. Cependant, si les compositions qui bardaient cet album se trouvaient être exceptionnellement riches en noirceur, le tout peinait à convaincre dans la durée. La faute, principalement, à un manque de cohérence globale et une production assez peu flatteuse laissant trop peu d’espace à l’ensemble pour ressortir correctement de la fange dans laquelle il nous plongeait. Pour ce nouvel opus, la leçon a été apprise, et c’est dès la première écoute qu’on se rend compte du travail accompli pour faire sonner cet album de bien belle manière, mariant savamment les ambiances lourdes et étouffantes sans jamais se départir d’une certaine clarté et intelligibilité quant au déroulement sans concession des six titres qui composent V : The Inside Scriptures. Au rayon des considérations bassement pragmatiques, on retrouve, et c’est peu dire qu’il était temps, de la chair et du sang derrière les futs. Il n’est donc plus question ici de percussions robotiques, fussent-elles magistralement programmées par BST, mais bien d’un être humain aux commandes d’une batterie au son beaucoup plus organique et sensiblement plus authentique, collant ainsi bien mieux aux ambiances de rituels religieux dont Aosoth se fait le maître de cérémonie. 
C’est ainsi que les Français nous proposent, sur cet opus, une dévastatrice synergie entre l’écrasante férocité de III : Variations and Violence et la noirceur massive et dissonante de IV : An Arrow In The Heart, charriant à l’avenant une carcasse death metal caverneuse et les accents de braise d’un black metal intelligemment difforme. Et c’est là tout le génie de pareil groupe, avoir su conserver une authenticité indubitablement old school dans l’approche et le rapport qu’il entretient avec sa musique tout en y insufflant, sans surdosage, des éléments plus modernes sans jamais lorgner sur la copie du voisin ou tomber dans l’éternelle redite.  Néanmoins, et de prime abord, si le titre A Heart to Judge, entame les hostilités de manière bien sauvage, l’auditeur averti se retrouvera en terrain connu et aucune vraie surprise ne viendra l’interpeler sur ce premier titre qui, après plusieurs écoutes, semblera vite manquer de variété pour les neuf minutes de noirceurs qu’il propose. Ce n’est que par la suite que les chaines seront ôtées de la bête pour laisser place à Her Feet Upon The Earth, Blooming The Fruits Of Blood, morceau bien plus concis et dynamique, proposant une série de variations de tempo entremêlant montée en puissance flamboyante et ralentissement menaçant. Mais, c’est bien dans la seconde moitié de cet opus qu’il faudra aller chercher les saignées les plus féroces et dévastatrices mêlant, dans des apex quasi mystiques, des élans d’une haine carnassière propre à embraser le royaume des cieux. Il suffira pour s’en convaincre d’écouter le titre Contaminating All Tongues, quintessence déchirante de noirceur où se mêlent riffs tout à la fois dévastateurs et sépulcraux,  rythmique poisseuse et un chant malade aux accents barbares, suivis dans la foulée par le douloureux et paroxystique Silver Dagger And The Breathless Smile.
En dépit de son indubitable force, V : The Inside Scriptures est néanmoins quelque peu tiré vers le bas dans son ensemble par une première partie d’album qui, loin d’être mauvaise, pèche par son manque d’originalité et sa propension à s’étirer un peu trop en longueur rendant certains passages monotones. On pourra aussi regretter, par moment, un mixage un poil foutraque clouant au sol certaines envolées qu’on aurait souhaité plus destructrices, émoussant par la même occasion l’intensité globale qui se dégage de cet opus. Mais, mis à part ces quelques défauts, Aosoth nous offre un dernier effort délicieusement sauvage, exigeant à l’écoute, concis dans son exécution et considérablement généreux dans ce qu’il a à proposer. Et, même si III : Violence and Variations reste, de ce triptyque, le plus cher à mon cœur par ce qu’il a su faire ressortir comme émotions, cet ultime album s’offre dans une clarté indéniable comme l’œuvre la plus complète du groupe. Mettant en exergue les aspects les plus puissant de sa musique, pour forger un opus brutalement mélancolique, amplis d’une angoisse profonde et d’une douleur saisissante mues en une catharsis d’une rare violence.  Une mise à mort que l’on n’aurait pu espérer plus éclatante.

Samuel

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