Dieu sait qu'il n'avait rien pour plaire sur le papier celui-là. Les précédents n'étaient pas vraiment ma came, le côté postcore lysergique aux teintures post-rock ne m'emballe plus trop depuis la sortie de disques qui ont tué le genre dans l’œuf. Il sortait pas loin en date du dernier Neurosis en plus, le bougre, et je me disais qu'un disque du genre était probablement suffisant dans l'année. Pour finir, la présence du guitar hero de Converge Kurt Ballou aux manettes, lui et son immense CV (du bon : Chaos Is Me d' Orchid, les bons Converge, Until Your Heart Stops de Cave in et du moins bon : Mosquito Control d'Isis, Eden Maine, Breather Resist...), autant de facteurs qui me faisaient penser que je ne terminerais pas le disque.
Malheureux sont les ignorants donc, vu que ce Guidance est clairement leur meilleur, et une sacrée mornifle dans le genre, sans pour autant révolutionner quoi que ce soit. Le son, déjà, est dantesque, surtout dans les moments les plus noise rock, où Ballou prouve tout son savoir-faire pour faire sonner quelques riffs, mais surtout des rythmiques manière ping-pong sonore, retour de balle dans ton crâne. Clairement, l'oscillation entre passages aérés à arpèges typés Mono (les morceaux introductifs des deux faces Asa et Overboard) et claques noise rock/postcore (tout le reste?) n'est pas ce que l'on retient de ce monolithe qui s'écoute d'une traite. Bien que la mélodie juste soit au rendez-vous (Vorel), c'est largement le côté chaos organisé ambiance Unsane et Helmet qui rend ces morceaux si attachants.
Pour leur sixième album, le trio a sorti l'artillerie lourde en laminant leurs propres envolées lyriques (Mota) et en les transformant en marasme sonique (oui, j'utilise ce mot en hommage au groupe Cortez, qui est selon moi le combo duquel se rapproche le plus ce Guidance) des plus appréciable. Le groupe semble laisser aller sa recherche d'ambiances carrées dans une mixture plus personnelle et semble jouer autant sur les cassures rythmiques que sur les compositions tiroirs où certains riffs reprennent des rythmes et inversement.
Guidance est un chouette travail sur les étirements des morceaux, laissant de côté l'aspect progressif ou l'alternance montées/explosions si chères au genre et désormais caduque. Russian Circles affirme son amour pour les boucles, en triturant les pistes jusqu'au tournis. On n'ose pas imaginer ce que ce disque aurait donné sans les quelques arpèges venant polluer le tout (Lisboa en demi-teinte). Kurt Ballou leur a probablement insufflé ce sens du riff dictateur, tellement imposant que le reste se doit de tourner autour. Et ça marche quand même sacrément bien. Meilleur disque du genre depuis le massif Phoebus de Cortez.
Bertrand
Artiste : Russian Circles
Album : Guidance
Genre : Postcore au son grisant, et à la pochette splendide.
Sorti en septembre 2016 chez Sargent house (http://www.sargenthouse.com/new-releases)