Il existe un paradoxe total dans ce genre de disques. Ils se veulent hommage à tout un pan de la culture américaine, culture qu'on l'on peut qualifier (sans la déprécier, au contraire) de bouseuse. Pourtant, la finition est toujours des plus soignée et travaillée. Il est donc difficile de jauger au mieux un nouvel album de Bob Dylan.
Pour ceux qui l'ont suivi dans ses dernières pérégrinations, plus besoin d'expliquer que le désormais vieillard a entamé une nouvelle transformation (this is not my final form). Ne cherchez pas de protest song folk, de rock, de rock chrétien, de blues, le Dylan dernière mouture est un crooner des plus classiques mais aussi classieux. Il a su s'entourer pour incarner ses tout nouveaux fantasmes artistiques, et Charlie Sexton à la lead guitare, fait plus que le suppléer, il a aujourd'hui l'étiquette sonore de l'artiste quasiment de son seul fait.
La cuvée 2016 est au final excellente. Après avoir repris du Sinatra, Dylan et ses acolytes composent leur propre BO des années 50 américaines, sorte de cocon enfumé très cristallin pour jazz bar. La voix de Dylan, plus proche du crooner dandy que du gamin hargneux au nez bouché avec une pince à linge de l'époque dispose d'un écrin des plus feutrés. La part belle est laissée aux guitares (d'ailleurs pourquoi a-t-il quatre guitaristes crédités dans la line-up du disque?), en grande partie acoustiques, créant un background plutôt jazzy dans l'ensemble, au son très rond (melancholy wood et that old black magic).
Fallen Angels est des plus classiques dans la forme, mais des plus surprenants dans le rendu. On aurait pu anticiper cette nouvelle direction musicale de Dylan suite au Shadows in the night de l'an passé, qui restait un disque de reprises. Comme toujours, et ce depuis presque quarante albums, Dylan évolue, toujours avec classe. Reconnaissable entre mille, mais toujours aussi plaisant et surprenant.
Bertrand
Artiste : Bob Dylan
Album : Fallen Angels
Sortie : Mai 2016