Blut Aus Nord – Deus Salutis Meae

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Parmi la tripotée de profils différents que peut revêtir un auditeur un tant soit peu curieux, il est celui de l’éternel insatisfait, constamment en demande d’une nouvelle tabula rasa propre à rebattre les cartes d’un style, d’en abattre les cloisons, en déclinant des couleurs musicales jusqu’alors inconnues. Si Blut Aus Nord est bien de cette trempe de groupe, capable de néantiser certaines conventions pour violemment plonger l’auditeur dans un flou artistique jubilatoire, il est aussi, depuis maintenant quelques années, passé maître dans l’art de mêler, brillamment et étrangement, stagnation stylistique et renouvellement constant. Au cours de sa maintenant longue carrière, le groupe français a eu maintes fois l’occasion de vomir quelques chefs-d’œuvre d’un art qu’il est devenu aujourd’hui bien difficile de définir, tant la discographie de Blut Aus Nord tend à s’auto cannibaliser pour toujours donner naissance à de nouvelles formes étranges, mais, aujourd’hui, de plus en plus familières, voire consanguines. Cet auditeur, souvent chiant, mais averti, ne pourra donc qu’éprouver une pointe de déception à l’écoute de Deus Salutis Meae, tant Blut Aus Nord semble être là où on l’attend. Et pourtant, ce nouvel opus d’un Vindsval presque tout seul, bien loin de révolutionner quoi que ce soit, n’en embarque pas moins son lot de plans étonnants, d’imbrications de textures alambiquées et de tourmentes auditives propre à en faire un disque jouissif à défaut d’être totalement novateur.
Ce qui ressort de mon expérience, à l’écoute de ce qu’a pu produire un groupe comme Blut Aus Nord, c’est qu’à trop souvent être exceptionnel, on en vient parfois à paraître banal et c’est peut être bien ce qui se passe sur ce Deus Salutis Meae. Vous l’aurez compris, je suis de ceux qui, peut-être à tort, mettent Blut Aus Nord sur un piédestal. Ce groupe est à mon sens un inébranlable colosse qui a su, avec certains chefs-d’œuvre comme l’album The Work Which Transforms God, redéfinir à sa manière un art et faire réellement acte de création. Non pas ex nihilo, mais en transcendant un continuum créatif avec comme pierre angulaire des groupes comme Godflesh, Skinny Puppy ou Mayhem. C’est bien de cette période, qui a vu naître coup sur coup, au côté de The Work Which Transorms God, trois autres monuments de nihilisme que sont The Mystical Beast Of Rebellion, Themathic Emanation Of Archetypal Multiplicity et MoRT,  que ce nouvel opus tire sa principale parenté. Cet écho stylistique est palpable dès les premiers instants de Deus Salutis Meae avec son introduction maladive et l’enchaînement immédiat sur le titre Chorea Macchabeorum renvoyant sans attendre, et à tous niveaux, à Choir Of The Dead, second morceau de l’album The Workd Which Transforms God. Cette longue procession, tant hypnotique que vomitive par ses répétitions incessantes, ses riffs rampants et son chant cauchemardesque, bien que jouissive, porte la marque rougeoyante d’un Blut Aus Nord qu’on ne connaît finalement que trop bien. Le groupe déroule inlassablement son savoir-faire pendant les trente-quatre minutes qu’affiche l’album. Développant des ambiances d’une noirceur corrosive avec un brio indécent, mais ne prenant malheureusement que très rarement l’auditeur par surprise, alternant, régulièrement, descente aux enfers hallucinatoire et accalmie morbide et dérangeante. Si certain passage semble bien anecdotique, comme le titre Abisme, Deus Salutis Meae propose néanmoins de copieusement renvoyer à ses études des groupes comme Aevengelist en prouvant, s’il le fallait, que Blut Aus Nord, en plus d’être passé maître dans l’art de provoquer des cauchemars méditatifs, sait construire et déconstruire des enchevêtrements de plans à n’en plus finir, profitant allégrement d’une production des plus alléchantes, propre à vous faire ressentir la moindre saillie psychotique.
S’il semblait s’être drapé, depuis quelques années, dans de douces habitudes, force est de reconnaître que l’ami Vindsval, tête pensante du projet, sait toujours composer d’innommables mélopées et, fort de l’expérience accumulée au fil des albums, a su nous régurgiter quelque morceau de choix, distillant ça et là ce petit grain de nouveauté qui fait que chacune de ses sorties n’est jamais réellement la même que la précédente. Ainsi, si Blut Aus Nord est bien une pure expérience de black metal sur le plan spirituel, pour ce qui est de l’ordre de la matière ce Deus Salutis Meae se veut bien plus death metal qu’il n’y parait. Du titre Impius, en passant par le plus doom et excellent Apostatis jusqu’au quasi débilitant, tant il pue la peste, Revelatio, c’est une parfaite synergie qu’opère Vindsval, entre riffs death d’une langueur monstrueuse et difformités industrielles, résultant en une étrange, mais exaltante partie de jambes en l’air entre certains morceaux choisis de Morbid Angel  et n’importe quoi de Deutsch Nepal. Emboitant le pas de cette déferlante d’ambiances et de riffs tous plus tortueux les uns que les autres, la clôture de cet album redescend tout de même d’un bon cran, replongeant avec les derniers titres dans des structures par trop souvent entendues, pour au final boucler un opus court, mais ne souffrant néanmoins d’aucune réelle incohérence. Finalement, l’élément manquant, susceptible de faire de cet opus une œuvre majeure du groupe, n’est autre qu’une vision. On sent Blut Aus Nord quelque peu coincé entre sa propre discographie et ses inspirations diverses, ce qui pousse l’ensemble à paraître à la fois cohérent, mais orphelin d’une prise de position nette. J’aurais aimé un parti pris plus franc comme cela avait pu être le cas sur le lumineux Cosmophony, ce qui aurait permis à Vindsval de se départir de ses oripeaux pour à nouveau toucher à la perfection. 
Se rapprochant finalement beaucoup de ce que le groupe a proposé sur ses derniers splits (en compagnie de P.H.O.B.O.S et d’Aevengelist) Blut Aus Nord arrive toujours à tirer son épingle du jeu, et ce malgré son apparente stagnation artistique à tourner inlassablement autour de son triptyque stylistique. L’auditeur chiant qui sommeille en moi me laisse sans cesse cet arrière-goût passéiste qui me fait dire qu’il y a beaucoup trop de vieux dans ce neuf et que cela me donne toujours trop envie d’écouter pour la énième fois le magistral The Work Which Transforms God. Malgré ses quelques défauts et après avoir, tant bien que mal, tenté de poser un avis sur ce Deus Salutis Meae, je me surprends à régulièrement revenir vers lui lorsque les facteurs nécessaires à son écoute sont réunis. Ainsi, l’auditeur enthousiaste, qui n’a pas encore disparu, se laisse bercer en se disant que l’ambiance qui se dégage de cette courte demi-heure n’est pas propice à tous contextes (un seul album de Blut Aus Nord l’est-il ?), mais, une fois embarqué, vous plonge vertigineusement dans l’abîme, ne laissant qu’entrevoir difficilement les vestiges de mélodies lointaines et désarticulées, pour mieux vous noyer férocement dans l’histoire d’un groupe unique en son genre. Deus Salutis Meae est un magma brillant de tout ce que Blut Aus Nord a proposé jusqu’alors et se range indubitablement au côté de ce qui s’est fait de plus singulier et de plus maladif en cette année 2017. 

Samuel

Artiste : Blut Aus Nord
Album : Deus Salutis Meae
Label : http://www.debemur-morti.com/en/
Facebook : https://www.facebook.com/blutausnord.official/

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